Rencontre avec les acteurs de la filière chanvre d’Ile de France …
… Lors du tourbus d’Ekopolis
Le 3 juillet 2024, par -8000 Kelvins en dessous des normales de saison, TRIBU a participé à une matinée consacrée à la filière du chanvre, un co-produit agricole utilisé dans divers domaines, notamment dans le bâtiment comme correcteur thermique, isolant, enduit de finition, ...
Eline et Lucile, représentantes de TRIBU lors du « tourbus chanvre » - image TRIBU
Au menu de la première étape du parcours, un champ de chanvre ! La culture du chanvre est expliquée au milieu des plants qui nous arrivent à peu près au milieu du buste (et pourtant, on mesure +1,70 m !).
Il existe différentes variétés de chanvre, dites à graine pour certaines, à paille pour d’autres. Les semences utilisées sont certifiées, contrôlées pour éviter les pieds mâles moins intéressants car ils ne produisent ni chènevis, ni fibre. En France, la plupart des semences sont fournies par Hemp’it. Pour maximiser la récolte de la paille, le chanvre est semé fin avril et récolté en septembre.
De manière générale, la culture du chanvre est connue pour être une culture de rotation avantageuse. A savoir, elle régénère et restructure les sols : les cultures qui suivent ont des rendements supérieurs à ce qu’on aurait pu observer si le champ était resté labouré, non couvert. Le chanvre peut pousser dans tous les types de climats ; elle est plutôt résistante à la sécheresse, son système racinaire peut puiser de l’eau en profondeur. Par ailleurs, aucun produit phytosanitaire, désherbant ou insecticide n’est nécessaire à sa culture.
Au moment de la récolte, la graine est prise en charge très rapidement, la tige est quant à elle laissée au champ, en andain, pour le rouissage : étape au cours de laquelle les tiges sont exposées au soleil et à l’humidité du sol voire de la pluie, ce qui facilite le décollement de la fibre à l’intérieur de la tige.
Plants de chanvre : S'il est bien question de canabis, le taux de thc est limité et contrôlé : ne soyez pas déçu.es! - image TRIBU
Assis∙es au milieu de l’entrepôt où sont stockées les bottes de paille, on découvre Planète Chanvre, la 3e chanvrière du paysage français. Fondée en 2011 par 12 personnes issues de 8 exploitations agricoles, cette entreprise rassemble aujourd’hui +100 exploitants agricoles. Elle réalise la première transformation de la paille de chanvre et commercialise les co-produits associés. Sa mission : « apporter une solution industrielle et écologique pour contrer le dérèglement climatique et offrir une juste rémunération aux agriculteurs ». Avec leurs différents partenariats, les débouchés sont multiples : alimentation animale, paillage, industrie automobile, textile et enfin construction.
A gauche : entrepôt de stockage de la paille à gauche, usine de défibrage à droite, pesée des tracteurs au premier plan A droite : entrepôt de stockage des ballots de fibres – Images TRIBU
Prochain arrêt : l’usine de défibrage.
C’est ici que la paille de chanvre séchée devient, après un traitement mécanique, fibre, chènevotte et…poussières ! La séparation entre les 2 matières principales nécessite plusieurs étapes : la paille de chanvre est premièrement éclatée par les rouleaux d’une ouvreuse. Ensuite, un décortiqueur permet de séparer la fibre et la chènevotte. La séparation des deux composants est encore affinée par un séparateur rotatique.
La chènevotte passe ensuite dans la presse où elle est compactée et conditionnée.
La fibre, récupérée du décortiqueur, est battue et secouée par une chargeuse afin d’enlever la chènevotte restante. Puis elle est affinée selon débouchés (fibres longues ou fibres courtes).
La poussière est aspirée à la source, des recherches sont en cours pour les valoriser (alimentation des méthaniseurs).
A l’écart de l’usine de défibrage, la graine de chanvre est séchée et stockée dans un autre entrepôt que nous n’avons pas visité.
De gauche à droite : du plant, à la paille jusqu’à la fibre issue du chanvre. C’est cette fibre qui permet de réaliser des laines biosourcés à base de chanvre! - Images TRIBU
Dernière étape du tour, l’atelier Wall’up, situé à quelques pas des entrepôts de Planète Chanvre.
Créée en 2019 par Philippe Lamarque, cette entreprise réalise des panneaux préfabriqués en ossature bois et remplissage béton de chanvre.
On rappelle que le béton de chanvre est fabriqué avec un mélange de chènevotte (granulat), de chaux (liant) et d’eau. L’implantation de l’entreprise à proximité immédiate de Planète Chanvre permet un approvisionnement en chènevotte en circuit très court (pratique, malin !).
La fabrication des caissons préfabriqués est principalement réalisée à plat et sur des rails : entre 5 à 10 panneaux sont préfabriqués par jour, cela comprend l’assemblage et la mise en place du béton de chanvre dans l’ossature. Les panneaux sèchent à plat pendant 1 à 2 jours, puis à la verticale pour 20 à 30 jours supplémentaires. Cette étape est la contrainte la plus importante de l’atelier : Wall’up dispose « seulement » de 20 000 m² d’entrepôt disponibles.
Les mérites du béton de chanvre dans la construction neuve et en réhabilitation sont rappelés : stockage carbone, fort déphasage, résistance au feu et bien sûr régulation de l’hygrométrie. A ce propos, il est rappelé que les propriétés de sorption du béton de chanvre permettraient de réaliser 70% d’économies d'énergie mais attention ! TRIBU nuance : ces chiffres sont basés sur une étude publiée par le CEREMA, et ne paraissent pas tout à fait en cohérence avec des études réalisées en interne. Suscitons les intérêts : un article à ce sujet paraîtra prochainement sur notre site internet. Spoiler : la magie, ça n’existe pas dans la vraie vie (dommage, ce serait bien pratique pour combattre le réchauffement climatique !)
A gauche, échantillon Wall’Up d’un panneau ossature bois remplissage béton de chanvre avec enduit côté extérieur. A droite, panneaux préfabriqués Wall’up en séchage, l’enduit de finition sera appliqué sur chantier – Images TRIBU
Ce parcours du champ au bâtiment ainsi que les échanges nous ont permis d’avoir une photographie plus claire de la filière chanvre. Un grand merci à Ekopolis, pour l’organisation de cette matinée et aux différent∙es intervenant∙es !
La pertinence de l’usage du béton de chanvre en réhabilitation, sur les parois perméables à la vapeur d’eau, n’est plus à démontrer. En construction neuve, la résistance thermique limitée du béton de chanvre impliquant des épaisseurs importantes est un frein réel qui peut être surpassé par l'ingéniosité collective et selon les besoins du climat et les programmes. Concernant la laine de chanvre, elle constitue une solution d'isolation biosourcée, locale, durable à mettre en œuvre sans modération !
L’adéquation entre d’une part, le besoin de faire advenir un modèle agricole plus vertueux et d’autre part, la massification de l’utilisation de matériaux biosourcés dans le secteur de la construction trouve dans l’organisation et l’articulation de Planète Chanvre et Wall’Up un schéma inspirant dont la reproductibilité, qui s’appuie sur des synergies locales, paraît souhaitable.
Voici les liens vers les sites des acteurs rencontrés lors de la visite :